La lampe de bureau JUMO Modèle 71 intrigue depuis des décennies. Son allure élégante, base arrondie, abat-jour tubulaire et tige métallique réglable, l’a rendue emblématique du design industriel français d’après-guerre.
Mais derrière cette silhouette rationnelle se cache une confusion persistante : l’attribution à Eileen Gray, souvent reprise par les maisons de ventes, sans aucun fondement historique.
Le Modèle 71 se distingue par une construction métallique précise, généralement en acier laqué gris ou noir, parfois rehaussée de détails en laiton ou aluminium poli.
- Hauteur : environ 40 cm (ajustable)
- Abat-jour : ovale ou cylindrique aplati
- Base : lestée, nervurée, munie d’un interrupteur bascule chromé
- Éclairage : deux douilles internes (B22 ou E14 selon les versions)
Pensée pour un usage professionnel, la lampe combine rigueur mécanique et sobriété fonctionnelle, caractéristiques du design français des années 1950-1960.
Les origines de la marque JUMO
La société JUMO, installée à Bagnolet au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est fondée par Yves Jujeau et les frères André et Pierre Mounique.
Spécialisée dans les lampes de bureau articulées, elle équipe bureaux d’étude, cabinets d’architectes et ateliers d’ingénierie.
L’erreur d’attribution à Eileen Gray
Aucune archive, correspondance ni biographie d’Eileen Gray ne mentionne une collaboration avec JUMO ou la création d’un modèle 71.
Ses travaux connus, mobilier pour la villa E-1027, fauteuil Bibendum, Transat, etc… Datent d’avant 1940.
Après la guerre, Gray mène une vie retirée et cesse toute production industrielle.
De plus les composants électriques et mécaniques du Modèle 71 sont postérieurs à 1950, ce qui rend impossible une conception avant cette date.
Le modèle appartient donc pleinement à la période moderniste d’après-guerre, et non au mouvement avant-gardiste des années 1930.
L’association “Eileen Gray pour JUMO” est apparue dans les années 1990 dans le marché de la décoration vintage.
L’idée d’un lien entre Gray et JUMO repose sur un raisonnement purement esthétique : la lampe semblait correspondre au goût rationaliste d’Eileen Gray.
Aucune preuve ne vient étayer cette hypothèse.
Les recherches techniques et stylistiques conduisent à André Mounique, ingénieur-designer de la marque.
Sa maîtrise des charnières, bras articulés et contrepoids mécaniques caractérise toute la production JUMO.
Le Modèle 71 s’inscrit dans cette lignée : une lampe rationnelle, robuste, conçue pour durer, à la croisée de la mécanique et du design industriel.
La réédition Tecnolumen
L’intérêt persistant pour le design industriel français a conduit à la réédition de plusieurs modèles JUMO.
La société allemande Tecnolumen, spécialisée dans les rééditions sous licence de luminaires historiques (Bauhaus, Wagenfeld, Brandt…), a intégré dans son catalogue une version “Jumo 71” fidèle à la conception d’origine.
Cette réédition contemporaine conserve les proportions et le système d’articulation du modèle original, tout en répondant aux normes électriques actuelles.
Elle permet de distinguer clairement les versions modernes, des exemplaires vintage produits à Bagnolet dans les années 1950-60.
Le Marché, copies et disparité de prix
La confusion autour du nom d’Eileen Gray a entraîné une forte variation des prix :
- exemplaires “attribués à Eileen Gray” : 700 € à plus de 1 500 € ;
- versions identifiées simplement comme “JUMO Modèle 71” : 150 € à 400 € selon état et provenance.
Des copies circulent également, souvent reconnaissables à une peinture poudrée trop lisse, des charnières simplifiées ou des proportions approximatives.
Critères d’authenticité
- Base en acier moulé lourde, parfois marquée “JUMO”.
- Interrupteur bascule chromé (non plastique).
- Bras et axes métalliques ajustés sans jeu excessif.
- Patine cohérente avec un usage ancien (ni uniforme ni “neuve”).